samedi 30 juillet 2011

LES MARABOUTS UNE SOURCE INTARISSABLE DE LA « baraka »

Faire un périple, aussi pénible qu’il soit  pour se recueillir humblement auprès de la dépouille  d’un « saint » est une tradition bien qu’elle remonte à des époques révolues, elle trouve toujours sa place dans notre société.
      Comme si la machine du temps s’était arrêtée de s’écouler au moment ou cette pratique avait pris naissance, des gents de toutes classes sociales continuent à la quête de guérison, aide de toutes genres, conseils, ou simplement la baraka clé de toute réussite, à se rendre sur les tombes de ces notables pour des prières qui ne seraient certainement pas exhaussés, sans l’apport substantiel de  ‘laftouh’ : bougies, argent, ou saignement du sang d’un animal offert gracieusement pour la bonne cause….
      L’islam a condamné fermement ces pratiques ancestrales pourtant, elles perdurent hélas  à travers notre pays ou des centaines voire des milliers de temples  jalonnent l’espace géographique, gardent  jalousement encore une place particulière dans la vie d’un bon nombre de citoyens, continuent d'être visités en masse. S’asseoir autour du tombeau ou se couvrir la tête du drap du saint homme et  rester parfois longtemps sans bouger comme pour se confesser, ou faire des tours autour du cercueil, … telles  sont pratiques les plus courantes suivies par ces adorateurs en quête d’un bonheur perdu.
      Moulay Abdellah Amghar, n’échappe pas à cette règle avec en plus, un Moussem qui a débuté vendredi dernier,  animé surtout par le plus grand rassemblement de chevaliers de fantasia, il attire chaque année des centaines de milliers de visiteurs qui ne viennent certes pas tous pour implorer  la baraka du wali, mais ca n’empêche  que l’ombre de sa mémoire est présente pour  bénir  ses serviteurs les plus fervents . Aicha étudiante explique : "En fait, mes visites au ‘wali’ sont devenues des rendez-vous incontournables dans ma vie, après la visite hebdomadaire, je sens une paix dans mon for intérieur et je peux vaquer par la suite à mes occupations en toute placidité,  pour moi c’est une sorte d’apaisement moral".
        Le temple du wali assure en contre partie de la baraka aux visiteurs, des sous , pour des dizaines de familles, qui exercent certaines activités cultes, les marchands de bougies, de henné, des produits de fumigation, fkih pour lire le coran pour soulager certains malades surtout les aliénés mentaux, les ‘hafdanes’ qui sont la descendance du saint……bref ni le saint homme dans l’au delà ni ceux qui vivent autour ne risquent de chômer tant qu’i ya  besoins de leurs services  peu couteux.
       Parmi les visiteurs qui affluent, on trouve notamment des jeunes filles à la quête d’un mari, ou celle dont  les époux les ont quittées, elles viennent  exposer leurs problèmes. Najat, 38 ans, vit à Jdida raconte : "Je crois que la baraka de ces saints existe bel et bien. Depuis mon  enfance, ma mère m'emmenait avec elle, pour nous recueillir sur les tombes des divers saints. Chaque semaine, je viens à Moulay Abdellah, où je rencontre plusieurs femmes, une certaine amitié s’est nouée entre nous. Quand je tarde à m'y rendre, c'est le saint homme qui vient me voir dans mes rêves pour m’informer que je dois le consulter".
        Ceux qui se recueillent aux temples des saints nourrissent mille et un espoirs et implorent la baraka du marabout. "Si je vais consulter le marabout, c'est pour qu'il soit un intermédiaire entre moi et Dieu", explique une autre dame à la soixantaine, qui s'est rendue dans les tombeaux des walis du Maroc depuis sa plus tendre enfance. "Je sais que lui n'est qu'un être humain comme nous. Mais c'est un chrif, mieux placé pour implorer dieu en ma faveur."
         Ainsi les multiples raisons et attentes sont aux nombres des visiteurs,  chaque marabout est réputé pour une compétence particulière qui le distingue des autres à en croire ces visiteurs, chaque saint est jugé selon ses "miracles" et les histoires mystiques qui circulent à son propos. Et c'est cet aspect merveilleux qui est le seul capable de nourrir l’imagination de ses adeptes et alimente  l’espoir d’obtenir ce à quoi ils aspirent.
         Les sociologues, avouent que dans certains cas, le marabout joue le rôle du psychiatre. Face à la cherté des prestations de la médecine psychiatrique, certains  préfèrent soumettre leurs malades mentaux  au rituel des saints. L’exemple le plus célèbre au Maroc est celui de Bouya Omar, où des dizaines de malades mentaux sont enchaînées, ou descendus dans des caves « khalwa » dans l’attente d’une guérison peu probable. Etrange que cela parait-il, le mythe de Bouya Omar selon certains chercheurs se retrouvait en Grèce antique.  À l'époque, on enfermait les malades mentaux dans les sous-sols des hôpitaux en attendant qu'Asclépios, le dieu de la médecine, leur apparaisse en rêve pour leur donner la clé qui les libérera de la maladie. Donc, tout ceci n'a rien à voir ni avec la religion, ni avec notre société. C'est quelque chose qui nous vient de la région méditerranéenne, où se sont croisées différentes civilisations, chacune avec ses croyances et qui se perpétuent."
        Dans son livre intitulé "Rites et secrets des marabouts de Casablanca", le docteur Akhmiss Mustapha souligne que les gens s'adonnent encore à des pratiques parfois incompréhensibles. L'élite du pays les condamne, la religion les combat. Mais rien ne peut les faire disparaître. "Elles subsisteront encore longtemps, car il s’agit en fait de l’émanation de ce qu’il y a de plus profond dans l’enfant: c’est le sacré identifié au marabout. Le Wali reste le havre de paix pour l’âme qui souffre et que rien n’apaise", explique-t-il.
                                                                                        Abdelilah Nadini

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